AIKIDO TRADITIONNEL

“La véritable tradition n’est pas de refaire ce que les autres ont fait mais de trouver l’esprit qui a fait ces grandes choses et qui en ferait de toutes autres en d’autres temps !” Paul Valéry.

L’aïkido n’est pas « traditionnel » au sens de l’ancienneté, il fait parti des gendai budo (現代武道, budo moderne) créés après la restauration Meiji (1868).

Morihei Ueshiba, le fondateur marque clairement l’évolution et la spécificité de l’aïkido lors d’une interview en 1957 :

  • On nous a dit que l’aikido était tout à fait différent du karate et du judo.

    • L’aikido est différent de ce que les gens pensent généralement au sujet des arts martiaux. (…)
  • C’est tout à fait différent des arts martiaux traditionnels?

    • En effet, c’est tout à fait différent. 

Notre objectif consiste à essayer de “re-capturer” l’esprit de l’aikido tel que l’a conçu le fondateur et  « réinventer » un espace adapté à la transmission de l’aïkido qui ne dénature pas l’esprit originel de la discipline et en harmonie avec le cadre socioculturel et les contraintes du moment.

Le terme « traditionnel » permet aujourd’hui de faire une distinction avec les Budo qui ont inclus un caractère sportif à leur pratique et qui, au fil du temps, ont perdu tout ou partie de leur âme. Le Judo est l’un des exemples les plus représentatifs de l’appauvrissement d’une discipline par la sportivisation.

À propos du cérémonial

Reishiki

L’étiquette regroupe, le cérémonial, le protocole, les règles de comportement et de bienséance qui marquent les rapports entre les individus dans le dojo.

Il existe plusieurs termes pour désigner l’étiquette, tous sont composés avec le kanji Rei 礼 qui signifie salut, salutation. Reshiki,Shiki 儀 signifie cérémonial, Reiho,ho signifie loi et reigigi 儀 a pour sens règle, protocole.

L’étiquette, ce n’est pas de l’aikido, ce sont des gestuelles et des comportements codifiés qui sont issues du patrimoine culturel Japonais.

Dans la culture Japonaise, rien n’est totalement noir ou totalement blanc, juste ou faux, tout se mêle et s’entremêle, il faut être à la fois en harmonie avec le moment et les circonstances. Le Japon a repris l’ordre et la structure pyramidale du confucianisme et de son passé féodal, le tout avec une philosophie associée aux religions  shintoiste et bouddhiste.

Le syncrétisme est un exemple qui heurte souvent l’esprit occidental, au Japon, on peut naître bouddhiste, se marier à l’église parce que c’est beau et choisir des obsèques selon les rites shintoïstes simplement parce qu’on les juge plus adaptés aux circonstances!

Peu de pratiquants et d’enseignants font l’effort de se plonger dans la culture japonaise à minima pour comprendre les origines et le sens des règles et gestuelles qu’ils appliquent dans le dojo.

Mal compris ou déformés, leur application peut conduire à des attitudes déviantes ou inappropriées, sur-dimensionnement de l’égo, syndrome du « petit samouraï », conduire à une « Japo-niaiserie » dans une quête du plus Japonais que les Japonais ou à un mysticisme de supermarché.

Chaque dojo a ses règles auxquelles, en tant qu’invité ou stagiaire, par l’observation, il convient de se conformer.

L'étiquette dans notre dojo

Comme dans toute salle de cours ou gymnase, les règles usuelles sont de mise :

    • Courtoisie et respect
    • Hygiène
    • Sécurité (par exemple, on informe le professeur si l’on a besoin de s’absenter pendant le cours)

 L’étiquette – reishiki – issue de la culture japonaise est limitée à sa juste place afin de maintenir un cadre de pratique agréable, serein et convivial.

    • Aucune règle ayant trait à la hiérarchie entre individus ne s’applique dans notre dojo.
    • Lorsque nous saluons en direction du portrait du fondateur de l’aikido en début et fin de cours, il ne s’agit pas de s’incliner devant une icône. Cette symbolique renvoie à Keiko qui est un des termes auquel on donne pour signification entrainement. Celui-ci a également pour sens « méditer sur le passé ». il s’agit donc de respecter et faire preuve de gratitude vis à vis de l’héritage transmis, à partir de ce moment, jusqu’au salut en fin du cours, le professeur devient le dépositaire de la discipline, il a la responsabilité de représenter l’aïkido.
    • Chacun reste concentré et s’applique  lorsqu’il salut, s’assoit en seisa (position assise à genoux), à adopter un shisei  (posture, attitude) correct, sans tension ou rigidité excessive, de ranger ses armes…

Au delà des explications relatives à tel ou tel comportement, une des fonctions du rituel est de couper avec l’extérieur, d’être attentif à ses moindres gestes, cultiver l’état d’esprit Zanshin (残心) que l’on peut traduire par « esprit vigilant, ici et maintenant ».

État d'esprit

Honnêteté envers soi même et respect envers les autres.
Il est légitime de faire ses choix, prendre l’aïkido comme un simple loisir ou vouloir approfondir. Chacun est libre d’utiliser son temps et de mettre de l’énergie là où il le souhaite à condition d’être conscient que les résultats seront proportionnels à l’investissement. Quelle que soit la démarche elle implique d’être honnête avec soi-même, ne pas se mentir en se racontant des histoires. Nous avons tous des contraintes réelles, familiales ou déplacements professionnels, mais aussi une pléthore de fausses bonnes excuses pour ne pas persévérer. Il fait trop froid ou trop chaud, j’ai trop ou pas assez de travail, je suis fatigué, le moindre bobo ou contrariété et on ne va pas à l’entraînement. On prend l’habitude de ne jamais prévenir et on revient un jour ou pas. Le dojo n’est pas un supermarché ou alors, lorsqu’on le perçoit ainsi,  il faut assumer le statut de « consommateur ». Qui a cette attitude dans un sport collectif, une chorale, un orchestre ou dans sa vie professionnelle?
 
Souplesse d’esprit
La souplesse d’esprit consiste à s’ouvrir sur d’autres manières de penser, de faire et de fonctionner, de prendre le temps d’expérimenter avant de porter un jugement. Le pratiquant qui manque de souplesse d’esprit ne progressera pas. Il aborde la discipline en la jugeant constamment sur la base de connaissance qu’il a acquises dans d’autres domaines, il reste bloqué sur ses schémas corporels et ses idées préconçues.
Une métaphore tirée du bouddhisme illustre bien le propos.  Un maître zen reçoit la visite d’un professeur très érudit qui lui déclare vouloir étudier avec lui. Le maître l’invite à s’assoir et lui sert le thé. Le visiteur entre alors dans un monologue, il lui décrit son cheminement spirituel, nomme les maître qu’il a côtoyé, ses découvertes, expose ses connaissances dans de nombreux domaines. Le maître l’écoute patiemment, et lui ressert du thé à plusieurs reprises jusqu’à ce que la tasse déborde.  L’élève s’écrit alors : « que faites vous? Ma tasse est déjà pleine! » Le maître lui répond : « Comment voulez-vous qu’un enseignement pénètre votre esprit alors qu’il est déjà plein comme cette tasse? »

Enseignant et élèves

Le dojo – littéralement “lieu où l’on étudie la voie” – est une école au sens du Latin shola “loisir studieux, leçon, lieu d’étude”.

Dans les disciplines à caractère sportif, l’enseignant est au service de l’administratif, alors que dans les arts traditionnels c’est l’inverse. Dans les deux cas, il s’agit d’une structure hiérarchique pyramidale que nous laissons de côté au profit d’une organisation horizontale structurée en cercles concentriques. L’enseignant est au centre, il représente le point de convergence du dojo, pas parce qu’il le décrète et le décide, mais par la reconnaissance de la qualité et surtout de la sincérité de l’enseignement proposé. Cette position centrale est le résultat d’un processus « naturel » qui se co-construit et se consolide au fil des années. Les élèves les plus impliqués forment le premier cercle, les élèves « consommateurs » sont graduellement positionnés sur les cercles les plus éloignés du centre. Dans une pratique martiale, comme dans la vie courante, il faut faire preuve de discernement, chacun doit savoir où est sa place, cette place est subordonnée au  seul niveau d’implication et d’engagement dans la pratique. Dans l’idéal, il n’y a qu’un seul cercle autour de l’enseignant.

Le terme Sensei collerait plus à la réalité que celui de “professeur”. Au Japon, Sensei n’a aucune connotation de grade ou de titre, il est utilisé de manière très courante, sensei pour sens « celui qui est né avant ». Celui qui est né avant, est celui qui a une expérience vécue significative et donc une certaine expertise  dans un domaine. Un sensei ne professe pas un savoir figé dans le temps, sa motivation principale est de continuer sa recherche selon l’adage « enseigner, c’est la moitié d’apprendre », idée que le fondateur formule ainsi « Comme je suis essentiellement pratiquant, j’enseigne par la pratique.»
Dans ce système la qualité de la relation « professeur – élève » est essentielle, le professeur choisi ses élèves et les élèves choisissent leur professeur, le résultat ne peut pas être complètement fixé à l’avance. C’est ainsi que le premier cercle se constitue et c’est dans cette sphère que sont prises en commun les décisions relatives à l’administration du dojo.

Au sein de cette école, l’enseignant est là  :
– Pour guider les élèves, c’est le sens du terme Shido, qui peut se traduire par guider, orienter, diriger, montrer, enseigner. Concrètement, tous les élèves n’ont pas les mêmes difficultés au même moment. Il s’agit d’un enseignement d’individu à individu, personnalisé, dont une partie importante consiste à faire sentir les choses en pratiquant avec les élèves qu’ils soient anciens ou débutants. 
– Pour poursuivre son propre apprentissage et continuer sa recherche.

Transmissions - Livre Gianni Baldizzone, Tiziana Baldizzone. Remarquable témoignage sur la transmission du savoir et la relation maître-élève, ce livre dresse en plus de 300 photographies couleurs et noir et blanc le portrait intime d'hommes et de femmes de métier, porteurs d'un savoir-faire qu'ils perpétuent et modernisent à la fois.

Préceptes pour l'entraînement - Texte rédigé par Morihei Ueshiba

Au début des années 30, un jour les élèves les plus avancés allèrent trouver Ueshiba pour lui exposer le problème. Le nombre d’élèves était grandissant, ils pensaient qu’il fallait écrire des règles de bonne conduite dans le dojo. Le fondateur leur répondit en souriant “ainsi les temps changent!” il prit une feuille et  un crayon et écrivit six règles. Ce texte fut affiché dans le dojo.

    • En aikido, une seule frappe décide de la vie ou de la mort, c’est pourquoi les élèves doivent suivre scrupuleusement l’enseignement de leur instructeur et ne pas se mesurer pour savoir qui est le plus fort.
    • L’aikido est une voie qui enseigne comment se défaire de plusieurs ennemis. les pratiquants doivent s’entraîner pour développer leur vigilance non seulement de face mais de côté et par derrière.
    • L’entraînement doit toujours se dérouler dans une atmosphère agréable et conviviale.
    • Le professeur n’enseigne qu’une partie limitée de l’art. Ses applications multiples devront être découvertes par chaque élève au travers d’une pratique et d’un entraînement constant.
    • Dans la pratique quotidienne, il faut commencer par bouger le corps avant de poursuivre par une pratique plus intensive. Ne jamais forcer les choses hors des limites du raisonnable. Si vous suivez cette règle, même les plus âgés ne se blesseront pas et pourront continuer à s’entraîner dans une bonne atmosphère.
    • L’aikido a pour objet l’entraînement de l’esprit et du corps pour que l’homme devienne sincère et honnête. Toutes les techniques se transmettent d’individu à individu, ne les communiquez pas au hasard. Elles risqueraient d’être utilisées par des individus peu scrupuleux.